6. Mahler, la nécessité

Gustav Mahler est le premier des compositeurs postromantiques. Pris par la nécessité de trouver un langage propre qui intègre l’héritage wagnérien, qu’il admire, mais sans l’imiter, il produit une œuvre à la frontière, avec l’exigence de celui qui refusait « de mettre en musique des poèmes de génie, lesquels, par définition, se suffisent à eux-mêmes ».

Ses 25 Lieder pour voix et orchestre renouvellent le genre lied en conservant son intimisme grâce à une orchestration qui traduit des poèmes populaires avec une infinie subtilité.

Ses 10 Symphonies font la synthèse du romantisme et le dépassent. La Sixième Symphonie dégage la puissance de Beethoven et de Wagner, mais elle transforme le tonnerre en tendresse. Son Andante, élégiaque, est aussi intime qu’un lied. Les percussions du Scherzo annoncent Stravinski et Bartók. Le 4^e mouvement explore les confins de la tonalité et du silence avec un kaléidoscope de fragments multicolores formés d’instruments solistes. Et, l’air de rien, il préfigure la révolution de la musique au 20e siècle : plus d’ensemble homogène formé d’individus anonymes, mais des individus singuliers et uniques qui jouent ensemble.